top of page
Rechercher

Pour un lieu des cultures numériques : protéger, transmettre, inventer

  • Photo du rédacteur: Santiago torres fernandez
    Santiago torres fernandez
  • 7 juin
  • 3 min de lecture


Dans un monde en constante mutation technologique, où les pratiques artistiques numériques occupent une place croissante, la question des espaces de diffusion, de transmission et de préservation de ces pratiques devient cruciale. Si l’art contemporain a su investir musées, galeries et centres d’art, le patrimoine culturel numérique, quant à lui, demeure trop souvent sans lieu fixe, exposé à l’invisibilité, à l’obsolescence, et à l’oubli. Pourtant, il s’agit d’un pan entier de la création contemporaine, d’une mémoire vivante de notre époque, d’un territoire sensible de réflexion sur l’humain et la machine.

De nombreux artistes créent aujourd’hui des œuvres interactives, génératives, immersives, qui exigent des conditions techniques spécifiques : écrans tactiles, moteurs graphiques, projecteurs synchronisés, serveurs, capteurs de mouvement, systèmes d’intelligence artificielle. Ces œuvres ne peuvent être accrochées comme des toiles, ni conservées dans des caisses. Elles nécessitent des environnements vivants, des espaces pensés pour accueillir du flux, du code, du réseau, du temps réel.

Et pourtant, les lieux institutionnels adaptés à ces formes d’art restent exceptionnels, souvent réservés à quelques festivals, laboratoires universitaires, ou institutions comme le ZKM (Zentrum für Kunst und Medien) à Karlsruhe. Cette rareté freine la reconnaissance des arts numériques, limite leur accès au public, et fragilise leur existence même. Le numérique n’a pas encore ses maisons.


Un lieu pour l’art vivant du XXIe siècle


Créer un lieu dédié aux cultures numériques, ce n’est pas seulement ouvrir un nouvel espace culturel : c’est reconnaître la légitimité historique de pratiques qui ont déjà plus de cinquante ans — depuis CYSP 1 de Nicolas Schöffer en 1956, première sculpture cybernétique mobile, jusqu’aux installations de Rafael Lozano-Hemmer, aux compositions en temps réel de Santiago Torres (Trame, Composition Colors), ou aux environnements immersifs de Refik Anadol.


Ce lieu serait un carrefour, à la fois :

  • Centre de création, accueillant artistes, développeurs, chercheurs.

  • Espace de médiation, ouvert au grand public, aux écoles, aux curieux.

  • Laboratoire de conservation, explorant les modalités d’archivage du code, du hardware, des interactions.

  • Lieu de mémoire, retraçant l’histoire des arts technologiques : de la cybernétique au post-internet, du pixel à l’intelligence artificielle.



Pour une politique visionnaire des territoires numériques



Cette ambition ne peut se concrétiser sans volonté politique. Il est indispensable que les mairies, les régions, les ministères de la Culture prennent la mesure de cet enjeu culturel et patrimonial. Il ne s’agit pas seulement de financer des projets ponctuels, mais de créer une structure pérenne, publique, accessible, et résonante avec les enjeux de notre époque : transition numérique, éducation critique, inclusion, innovation.

Des lieux vacants, des friches industrielles, des anciennes écoles, pourraient être réhabilités pour accueillir cette nouvelle maison des arts numériques. Loin d’un “musée des écrans”, il s’agirait d’un espace vivant, d’un lieu où le public agit, transforme, déclenche, expérimente. Un espace démocratique, où l’on peut questionner l’algorithme autant que l’image, le flux autant que la trace.



Préserver ce qui disparaît vite : une urgence

Car si l’art numérique est par essence éphémère, il est aussi profondément révélateur de notre époque. Il capte les tensions de nos sociétés connectées : la surveillance, la vitesse, l’interface, le bug, le dérèglement, mais aussi la beauté des systèmes complexes. Ne pas lui donner de lieu, c’est accepter qu’une partie de notre culture disparaisse sans archive, sans débat, sans transmission.

Offrir un toit à ces formes mouvantes, c’est protéger une culture de la transformation, donner à voir non seulement ce que nous sommes, mais ce que nous devenons.



faire lieu, c’est faire histoire

Dans un monde saturé d’images, de contenus, d’écrans, il est urgent de réapprendre à regarder, toucher, ressentir, comprendre. Un lieu dédié aux cultures numériques ne serait pas un simple centre de technologie artistique. Il serait un sanctuaire critique, un outil pédagogique, un laboratoire citoyen. Il serait une réponse à la question fondamentale : comment transmettre l’art de notre temps à ceux de demain ?

Il est temps que les politiques culturelles s’emparent de cette mission, non comme une option futuriste, mais comme un devoir envers le présent.

 
 
 

Posts récents

Voir tout
Le Marché de l'ArtContemporain

Auteur : Santiago Torres Paris -2025 Résumé Cette texte explore la relation complexe entre le marché de l’art contemporain et les formes...

 
 
 
MANIFESTE POUR UN ART EN TEMPS RÉEL

par Santiago Torres Je travaille en temps réel. Je vis en temps réel. Je crée des œuvres qui ne peuvent exister qu’ici, maintenant, dans...

 
 
 

Comments


bottom of page