La Poétique Instable du Miroir Virtuel : Exploration philosophique et cinétique d’un art en temps réel
- Santiago torres fernandez
- 20 janv.
- 3 min de lecture
En 2010, j’ai entrepris une série artistique expérimentale avec DirectX9, inspirée par les théories du miroir de Nicolas Schöffer, l’un des pionniers de l’art cinétique. Cette série, située à la croisée de l’art numérique, de la poésie et de la philosophie, explore un concept fondamental : l’instabilité du réel et la manière dont les espaces virtuels, à travers l’écran, deviennent à la fois des fenêtres et des miroirs. Une fenêtre vers des mondes imaginés et un miroir qui reflète nos pensées, nos émotions, et notre perception du réel.
Le miroir instable : une métaphore du monde réel et virtuel
Nicolas Schöffer, en conceptualisant l’idée du miroir dans l’art cinétique, posait les bases d’une réflexion sur la nature changeante et insaisissable de la réalité. Le miroir, loin d’être une surface statique, devient dans son œuvre un objet dynamique, déformant, fragmentant et recomposant les images qu’il reflète. Dans ma série, le miroir virtuel ne se contente pas de renvoyer une image fidèle ; il capte le flux de l’instant présent, le mêle à des algorithmes génératifs, et produit un paysage toujours mouvant. Ce miroir instable dialogue avec le spectateur, non pas en tant qu’observateur passif, mais en tant qu’acteur dans un système d’interactions qui transforment la perception de l’espace et du temps.
L’écran comme espace poétique et philosophique
L’écran, support principal de cette série, n’est pas une surface neutre. Il devient une fenêtre vers des espaces virtuels, un seuil entre le tangible et l’immatériel. Ici, l’écran n’est pas seulement un outil technologique, mais un objet philosophique. Il évoque la fenêtre ouverte de la Renaissance de Leon Battista Alberti, mais avec une différence fondamentale : cette fenêtre n’ouvre pas sur un monde stable et défini, mais sur un espace en perpétuelle métamorphose.
L’écran devient alors un champ poétique, un territoire où les codes visuels inspirés par Borges prennent vie. Dans ses labyrinthes littéraires, Borges imaginait des mondes parallèles, des miroirs où l’on se perd, des doubles qui échappent à leur propre reflet. De la même manière, mes œuvres numériques questionnent l’idée d’identité, de réalité, et d’illusion : qui regarde dans le miroir virtuel ? Est-ce le spectateur ou une version décomposée et réassemblée de lui-même ?
La trame en temps réel : un voyage intérieur
La trame en temps réel que j’ai développée dans cette série peut être envisagée comme une métaphore de la conscience. Observer le miroir virtuel, c’est observer ses pensées, ses émotions, et ses actions en train de se produire. Dans cet état d’attention, sans jugement ni analyse, le spectateur se place face à un double mouvement : une introspection et une projection dans l’espace virtuel.
En cela, cette œuvre rejoint la quête philosophique de l’instant présent. Comme dans la méditation, la contemplation du miroir virtuel implique une immersion totale dans le “ici et maintenant”. Le mouvement des formes, leur instabilité, leur déformation par des algorithmes aléatoires, rappellent l’impermanence des phénomènes : le réel, comme le virtuel, n’est qu’un flux insaisissable.
Le cinétique : une poésie de l’instabilité
L’art cinétique, par essence, se situe dans l’instabilité. Les œuvres de Schöffer intégraient des miroirs en mouvement, des jeux de lumière, et des mécanismes qui produisaient des effets imprévisibles. Dans ma série, cette instabilité est amplifiée par l’algorithme, qui introduit le hasard et la complexité dans le processus créatif.
Les miroirs virtuels, déformés par des forces invisibles, deviennent les acteurs d’une poésie visuelle. Les lignes se croisent, se fragmentent, et se recomposent, comme des reflets dans une eau agitée. Ces mouvements traduisent l’idée que le réel, tout comme le virtuel, est en perpétuelle recomposition, jamais figé, toujours en devenir.
Le dialogue entre le réel et le virtuel
Enfin, cette série questionne la frontière entre le réel et le virtuel. En explorant l’interaction entre les spectateurs et le miroir virtuel, l’œuvre engage une réflexion sur notre relation aux technologies et à leur impact sur notre perception du monde.
Le virtuel n’est pas une fuite hors du réel, mais une extension de celui-ci. À travers l’écran, nous accédons à une nouvelle dimension où le réel et l’imaginaire se mêlent, où nos gestes et nos pensées trouvent une matérialisation immédiate. Comme l’écrivait Borges dans L’Aleph, chaque point de cet espace contient l’infini.
Conclusion : une quête philosophique et artistique
Cette série, née en 2010, s’inscrit dans une quête plus large : celle de comprendre le rôle de l’art dans une époque où les frontières entre l’humain, la machine, et le virtuel deviennent floues. En mêlant les théories de Schöffer, la poésie de Borges, et les outils numériques de DirectX9, elle propose un espace de réflexion et de contemplation, où chaque spectateur peut se perdre et se retrouver.
L’art cinétique virtuel devient alors un moyen d’interroger la réalité, d’explorer l’instabilité du monde, et de créer une nouvelle forme de poésie, une poésie qui résonne avec l’impermanence et la complexité de notre époque.
Comments